Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/234

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mait l’air et tout parlait de la fuite des heures et de la fragilité des choses.

À quelque temps de là, j’allai voir Céline au Louvre dans la salle impériale où tout, les femmes en châle rouge, les cuirassiers blessés, les pestiférés à l’hôpital, et les armées en bataille, l’exilé rentré dans ses foyers détruits, la justice divine poursuivant le crime, Léonidas et les Sabines, les Héros et les Dieux, tout célèbre Napoléon et son siècle. Dans cette foule, dans cette gloire, je la trouvai bien jolie encore, mais ses prunelles avaient perdu leur teinte mystérieuse et n’étaient plus de divines fleurs ; l’ovale du visage, plus allongé, plaisait moins ; le cou, moins flexible, n’imitait plus à la fois Vénus et ses colombes. Et je me dis que la première Céline, la vraie Céline, était plus adorable. En quittant cette autre Céline, j’allai dans le salon carré où, devant chaque peinture célèbre, un artiste était juché sur son tabouret. Beaucoup de ces artistes étaient des femmes. L’une d’elles avait des boucles blondes, un teint éblouissant et une vilaine bouche devant laquelle elle mettait, à l’approche d’un visiteur, une main dans l’attitude de la méditation. À demi caché dans l’ombre de cette