Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/246

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et que Napoléon. Ils ont intérêt à l’être, tant pour le gain que leur procureront les fournitures de guerre que pour l’accroissement que la victoire donnera à leurs affaires. Et l’on croit toujours qu’on sera victorieux : le patriotisme vous fait un crime d’en douter. Les guerres sont décidées, la plupart du temps, par un très petit nombre d’hommes. La facilité avec laquelle ces hommes entraînent le peuple est surprenante. Les moyens, depuis longtemps connus, qu’ils emploient, réussissent toujours. On met en avant des outrages faits par l’étranger à la nation et qui ne peuvent se laver que dans le sang, quand, en bonne morale, les cruautés et les perfidies inhérentes à la guerre, loin d’honorer le peuple qui les commet, le couvrent d’une immortelle infamie ; on fait valoir que l’intérêt de la patrie est de prendre les armes, alors que les patries sortent toujours ruinées des guerres, qui n’enrichissent jamais qu’un petit nombre d’individus. On n’a même pas besoin d’en tant dire : il suffit de battre du tambour, d’agiter un drapeau, et la foule enthousiaste vole au carnage et à la mort. À vrai dire, dans tous les pays, la multitude fait très volontiers