Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/272

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ne peut dire d’aucune chose au monde : cela est sans vie. Les plantes étaient nées, les animaux pouvaient naître.

Rara per ignotos errant animalia montes.

Les premiers animaux, misérables, sans vertèbres et sans cerveau, vécurent en dévorant des herbes dans les forêts. Ainsi la vie animale commença par le meurtre. Oh ! je sais bien qu’on ne dit jamais qu’un arbre est mis à mort : c’est pourtant ce qu’il faut dire, car il était vivant. Était-il sensible ? on le nie ; on affirme qu’il n’avait pas d’organes pour sentir, qu’il n’était pas un individu, et qu’il ne pouvait pas se connaître. Pourtant, ce porte-fleurs célèbre des hymens dont rien ne passe la splendeur et la fécondité. Et si, contrairement à ma croyance, il est insensible, il n’en est pas moins vivant, et le faire périr est attenter à la vie comme faire périr une bête.

Cependant, les espèces animales, sortant les unes des autres, se faisaient plus intelligentes et plus fortes ; elles acquirent un cerveau et des nerfs qui leur donnèrent conscience d’elles-mêmes et les mirent en communication avec le monde extérieur. Les unes se nourrissaient