Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/289

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Cependant Fontanet tournait au singe savant. Il devenait homme du monde, méprisait les Danquin et n’estimait plus que la richesse et la naissance. Il nous fit inviter, Mouron, Maxime Denis et moi, dans un salon du faubourg Saint-Germain, discrètement célèbre pour son opposition à l’Empire et qui était très fermé. Mais l’Église, cette superbe démocrate, qui dominait dans cette vieille demeure, y introduisait des jeunes gens du peuple, dans l’espoir d’y découvrir et d’y former un nouveau Veuillot. Là fréquentaient d’anciens pairs de France, d’anciens députés à l’Assemblée Nationale, des académiciens, de grands seigneurs qui, bien que naturellement hauts et distants, montraient dans leur accueil cette grâce discrète propre aux défenseurs des causes perdues. J’y pris le thé debout, mon chapeau à la main, en écoutant, sans sourire, malgré les coups de coude de Fontanet, un vieux polémiste célèbre qui, ayant combattu soixante ans, comme Lusignan, pour la gloire de Dieu, jeune encore d’éloquence et de passion, dénonçait aux générations nouvelles les crimes des Jacobins et les attentats de Bonaparte, avec une ardeur qui lui faisait vider sans s’en aper-