Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/343

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saient encore. Jeanne Lefuel n’avait ni la fraîcheur, ni l’éclat, ni l’insolente jeunesse de Marie Neveux ; mais elle était mieux faite, ce qui, pour la plupart des hommes, ne lui donnait pas grand avantage. Car c’est le visage qui les attire d’abord et les rend coulants sur le reste. Qui a dit cela ? Un maître en la matière : Casanova. Il aurait pu ajouter que peu de gens savent juger de la beauté des formes. Pour moi, je savais beaucoup de gré à Jeanne Lefuel d’être faite comme elle était faite.

Le rôle de Lampito, en dépit de mes « béquets », était resté court. Aussi Jeanne Lefuel avait du temps à perdre et elle le perdit avec moi. Nous causions. Il fallait pour cela nous tenir loin de la scène. Car, au moindre bruit qu’il entendait dans la salle, Victor Pellerin devenait flamboyant de rage et poussait des hurlements furieux. Jeanne Lefuel n’avait que deux mots à dire pour me mettre en joie. Elle avait de l’esprit naturel, et, peut-être, un peu plus de lecture que nos autres comédiennes ; mais ce n’est pas cela que je goûtais en elle. D’ordinaire, dans la conversation, le sujet m’importe peu ; un petit comme un