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mon père lui-même dans sa librairie. Ce que je lui ai retiré tenait de la fortune et je lui ai donné en échange ce qui s’accordait à sa nature. Je n’en ai pas moins supprimé une bouquinerie. Que Lucien Descaves veuille me le pardonner, en tenant compte que j’en ai ouvert une ailleurs pour Jacques Tournebroche. Descaves a signalé, je crois, ma faute la plus grave. J’espère que personne ne me fera un grief bien lourd d’avoir transféré le logis de mon parrain à cent pas de distance de la rue des Grands-Augustins, dans la rue Saint-André-des-Arts qu’habita Pierre de L’Estoile. Il y a beaucoup de contemporains de mon enfance, dont je n’ai pas du tout dérangé les habitudes ; il y en a plusieurs comme M. Dubois à qui j’ai gardé le nom, me contentant de lui retrancher un titre nobiliaire, que d’ailleurs il ne portait pas.

J’ai déjà dit que j’étais tenté de défier comme Jean-Jacques tout homme de se dire meilleur que moi. Je me hâte d’ajouter que je ne m’estime pas beaucoup pour cela. Je crois les hommes en général plus méchants qu’ils ne paraissent. Ils ne se montrent pas tels qu’ils sont ; ils se cachent pour commettre des actes