Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/39

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de ton armoire. Justine est une très honnête fille ; mais sa condition lui fait toujours craindre d’être soupçonnée. La peur d’être accusée du vol de ce linge lui a donné une affreuse crise de nerfs. Elle perdit la raison. Je m’efforçais de la rassurer et de lui dire que je ne la soupçonnais pas. Elle criait que les gendarmes viendraient la prendre et qu’on la mettrait en prison pour une faute qu’elle n’avait pas commise.

Ces paroles de ma mère me firent grande impression. J’avais assisté, au théâtre Comte, à la représentation de la Pie voleuse ou la Servante de Palaiseau. Je comprenais les affres qui avaient déchiré le cœur de ma chère Justine.

Je courus à la cuisine où je la trouvai plongée encore dans un sombre désespoir. Je l’embrassai avec effusion et lui demandai pardon des angoisses que je lui avais causées bien involontairement par mon étourderie.

— Ah ! monsieur Pierre ! s’écria-t-elle à travers ses sanglots, si vous aviez été plus intelligent, vous n’auriez pas fait une chose pareille.

Justine avait raison. Je n’aurais pas fait une pareille chose, si j’avais été plus intelligent.