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Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/38

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— Pierre, me dit-elle, pourquoi ne m’as-tu pas demandé la permission d’emporter ce linge ?… Tu ne me l’as pas demandée parce que tu prévoyais que je ne te la donnerais pas. Ce linge n’était pas à toi. Les idées de monsieur Amédée Hennequin et de monsieur Proudhon ne sont pas encore réalisées. Tu as disposé d’un bien qui ne t’appartenait pas. Je consens à t’excuser sur l’intention, bien que tu aies agi beaucoup plus par orgueil que par pitié, et surtout avec légèreté. Ce n’est pas Fontanet qui aurait fait une pareille sottise. Je suis bien sûre qu’il ne t’a pas accompagné chez cette femme, quand tu y as porté tes chemises et tes bonnets de nuit.

Je ne pus m’empêcher de murmurer de ces louanges que je ne jugeais pas méritées. Je savais que Fontanet ne valait pas mieux que moi, et si je ne le sais plus aujourd’hui, c’est que j’ai appris à douter de tout.

— Écoute-moi, mon enfant, poursuivit ma mère avec plus de fermeté qu’elle n’en avait encore mis dans sa réprimande. Je vais te faire connaître une des conséquences de ton étourderie. C’est Justine qui a découvert, quelques instants après ton départ, le pillage