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« Homère ne passa point dix ans dans le fond d’un collège à recevoir le fouet pour apprendre quelques mots qu’il eût pu, chez lui, savoir mieux en cinq ou six mois. »

» Et savez-vous qui a dit cela, Madame Nozière ? Un rustre, un ignorant, un ennemi des bonnes études ? Non, mais un gentil esprit, un homme très docte, le meilleur écrivain de son temps qui était le temps de Chateaubriand, un pamphlétaire plein de sel, un amateur de grec, le délicieux traducteur de la pastorale de Daphnis et Chloé, l’homme qui écrivait les plus jolies lettres du monde, Paul-Louis Courier.

Ma mère regarda M. Dubois surprise et désolée. Et le vieillard, me tirant doucement l’oreille :

— Mon ami, ce n’est pas tout que d’être sourd à ces cuistres, ennemis de la nature ; il faut écouter la nature qui seule peut t’expliquer Virgile, et t’enseigner les lois des nombres. Ne perds pas un moment pour rattraper, quand tu es libre, le temps que tu perds au collège.

M. Dubois était alors un grand vieillard de soixante-dix à soixante-douze ans qui portait haut la tête, saluait avec grâce et se montrait à la fois affable et distant. Une coiffure en coup