Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/98

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lui serrèrent la main. La dame verte lui offrit une gerbe de fleurs. Et moi, le cœur battant, les yeux gros de larmes généreuses, je m’écriai au dedans de moi :

— Moi aussi, je serai aéronaute !

Je ne pus dormir de la nuit, agité par les exploits de Joseph Vernier et ressentant une fierté anticipée des navigations aériennes auxquelles je me destinais. Il m’apparaissait que, pour construire, conduire, diriger des ballons, il fallait acquérir de fortes connaissances techniques. Je résolus d’opter pour les sciences.

Dès le matin, je fis part à Justine de ma résolution et des raisons qui l’inspiraient. Elle me dit que son frère Symphorien fabriquait des ballons de papier et qu’il les faisait partir en l’air après les avoir tenus sur un brasier. Mais ce n’était qu’un jeu. Elle n’approuvait pas qu’on montât tout vif au ciel, et condamnait les voyages à la lune, parce que Caïn y était prisonnier. Par une nuit claire, on le lui avait montré, portant sur son dos un fagot d’épines.

Je demeurai trois jours ferme dans mon propos. Mais, dès la quatrième journée, les myrtes de Virgile et les secrets sentiers de la forêt des ombres me tentèrent de nouveau. Je