Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/99

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renonçai à la gloire de conquérir les airs et suivis nonchalamment la branche de la fourche qui conduisait à la classe de M. Lerond. J’en conçus quelque orgueil et dédaignai mes camarades qui avaient pris l’autre branche. Tel était l’effet ordinaire de la bifurcation. Comme il devait arriver, comme le voulait l’esprit de corps si répandu, et qui est l’esprit de ceux qui n’en ont pas, les élèves de lettres et les élèves de sciences se méprisaient réciproquement. Élève de lettres, j’épousai le préjugé de ma classe et me plus à railler l’esprit lourd et mal orné des scientifiques. Peut-être manquaient-ils d’élégance et d’humanités. Mais quelles figures de sots nous faisions, nous les littéraires !

Je ne puis juger par ma propre expérience des effets de la bifurcation, étant de mon naturel incapable de tirer profit d’un enseignement donné en commun. Dans les classes de sciences, comme dans les classes de lettres, j’aurais apporté une intelligence fermée et un esprit rebelle. Le peu que j’ai appris, je l’ai appris seul.

Je crois que la bifurcation précipita le déclin des études classiques, qui ne répondaient plus aux besoins d’une société bourgeoise tout