Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/109

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en un extrême désordre, à cause de la comédie ; sur ce, les compliments furent faits[1]. »

Les prélats, qui se morfondent en grand habit de chœur, dans le vestibule, tandis que les comédiens occupent les appartements, sauront bien prendre leur revanche. En même temps que Molière, l’évêque d’Aleth, Pavillon, est à Pézenas. Il profite de la tenue des États, où il siège, pour alarmer la conscience du prince et lui inspirer un éloignement total des compagnies dangereuses. Or, le janséniste Pavillon estimait qu’il n’était pire compagnie que celle des comédiens. Il refusait l’absolution non seulement à ceux qui donnaient la comédie, mais encore à ceux qui l’entendaient. Heureusement pour Molière et sa troupe, la conversion du prince de Conti ne s’accomplit pas tout de suite. Les comédiens, en attendant qu’opérât la grâce, mangeaient abondamment aux frais des États. Mais ils devaient bientôt éprouver les effets des sentiments que l’évêque d’Aleth inspirait insensiblement au prince.

De Pézenas, vrai pays de Cocagne, la troupe comique, avec ses bagages et d’Assoucy, s’en fut à Narbonne. Elle demeura à Béziers pendant la session des États qui s’ouvrit le 17 novembre 1656, et Molière y fit représenter son Dépit amoureux, imité de l’Intéresse de Nicolo Secchi.

Par Montpellier, Nîmes, Avignon, Orange (selon toute vraisemblance), les comédiens gagnent Lyon, où ils retrouvent le prince de Conti, leur protecteur.



  1. Procès-verbal en date du 4 novembre, aux archives de Pézenas.