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Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/77

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J’ay regret que ce mot soit trop vieux aujourd’huy : Il m’a toujours semblé d’une énergie extrême.

(IV, II.)

Ces quatre vers sont d’un homme qui sait le prix des mots et qui ne veut qu’on perde aucun des bons.

Aussi mit-il dans ses poèmes un très grand nombre de termes d’un autre âge, qu’il sut rajeunir. Vous venez de voir le vieux verbe cuider (croire). Je citerai aragne, qui est la vieille forme d’araignée. Le mot araignée est vieux aussi ; mais il signifiait la toile que tisse l’insecte. « La nouvelle langue, dit Littré, s’est appauvrie et défigurée en confondant l’ouvrière et l’œuvre. Cette confusion paraît être venue dans le xvie siècle. » La Fontaine ne paraît pas l’avoir soupçonnée. Il emploie indifféremment et dans le même sens aragne et araignée.

Quand l’enfer eut produit la goûte et l’araignée…

(m, 8.) Plus malheureuse mille fois Que la plus malheureuse aragne. (m, 8.)

En gardant ainsi, pour le même objet, deux désignations différentes, il charge la langue d’un bien inutile.

Il est mieux inspiré quand il reprend à Montaigne les termes de déconfiture (Essais, I, 47 ; Fables, II, 2) et de besogne voulant dire ce qui est de besoin :

Le galand pour toute besogne Avoit un broûet clair. Il vivoit chichement.

(1, 18.)