Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/142

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M. Jubal l’application de cette vérité, je ressentis un grand trouble. Je me rappelai avoir, en sa présence, attaché un pantin de papier dans le dos de Fontanet. Cela était-il respectueux ? Aurais-je attaché un pantin de papier dans le dos de Fontanet devant un ministre ? Assurément non. Et pourtant je l’avais attaché, ce pantin, à l’insu, il est vrai, mais en la présence de M. l’abbé Jubal, qui est au-dessus des ministres. Même il tirait la langue, le pantin ! Mon âme était éclairée. Je vécus bourrelé de remords. Ma résolution fut d’honorer M. l’abbé Jubal, et, s’il m’arriva depuis de fourrer des petits cailloux dans le cou de Fontanet pendant la classe et de dessiner des bonshommes sur la chaire même de l’abbé Jubal, je le fis du moins avec la satisfaction de connaître toute l’étendue de ma faute.

Il me fut donné, à quelque temps de là, de mesurer la grandeur spirituelle de M. l’abbé Jubal.

J’étais dans la chapelle, attendant avec deux ou trois camarades mon tour de me confesser. Le jour baissait. La lueur de la lampe perpétuelle faisait trembler les étoiles d’or de la