Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/89

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peut-être un joli voyage. Alors il vanta les montagnes du Caucase, les villes anciennes, les bazars, les costumes, les armes. Il ajouta :

— Nous emmènerons quelques amis, la princesse Seniavine, le général Larivière, peut-être Vence ou Le Ménil.

Elle répondit, avec un petit rire sec, qu’on avait bien le temps de choisir les invités.

Il se fit attentif, prévenant.

— Vous ne mangez pas. Vous vous perdrez l’estomac.

Sans croire encore à ce prompt départ, pourtant, il s’en inquiétait. Ils avaient l’un et l’autre repris leur liberté, mais il n’aimait point être seul. Il ne se sentait lui-même qu’avec sa femme, et toute sa maison montée. Et puis, il avait résolu de donner deux ou trois grands dîners politiques pendant la session. Il voyait son parti grandir. C’était le moment de s’affirmer, de paraître avec éclat. Il dit mystérieusement :

— Telle circonstance peut se présenter où nous aurons besoin du concours de tous nos amis. Vous n’avez pas suivi la marche des événements, Thérèse ?

— Non, mon ami.

— J’en suis fâché. Vous avez du jugement, une grande ouverture d’esprit. Si vous aviez