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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/93

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belles traductions, peut-être. Il n’y en a pas de fidèles. Qu’est-ce que ça me fait qu’ils admirent mes livres, puisque c’est ce qu’ils ont mis dedans qu’ils admirent ? Chaque lecteur substitue ses visions aux nôtres. Nous lui fournissons de quoi frotter son imagination. Il est horrible de donner matière à de pareils exercices. C’est une profession infâme.

— Vous plaisantez, dit M. Martin.

— Je ne crois pas, dit Thérèse. Il reconnaît que les âmes sont impénétrables aux âmes, et il en souffre. Il se sent seul quand il pense, seul quand il écrit. Quoi qu’on fasse, on est toujours seul au monde. C’est ce qu’il veut dire. Il a raison. On s’explique toujours, on ne se comprend jamais.

— Il y a les gestes, dit Paul Vence.

— Ne pensez-vous pas, monsieur Vence, que c’est encore un genre d’hiéroglyphes ? Donnez-moi des nouvelles de monsieur Choulette ? Je ne le vois plus.

Vence répondit que Choulette était très occupé pour le moment à réformer le tiers ordre de Saint-François.

— L’idée de cette œuvre, madame, lui est venue d’une façon merveilleuse, un jour qu’il allait visiter Maria dans la rue où elle demeure derrière l’Hôtel-Dieu, une rue toujours humide,