Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/129

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M. Bergeret gagna, sous une pluie fine, dans l’air fade, la place Saint-Exupère. Il vit, entre deux contreforts de l’église, l’échoppe qui portait une botte rouge pour enseigne. Alors, s’avisant que ses chaussures, fatiguées par un long usage, s’imprégnaient d’eau, et songeant qu’il se devait de prendre seul désormais le soin de ses habits, dont il s’était remis jusqu’à ce jour à madame Bergeret, il alla droit chez le savetier. Il le trouva qui piquait des clous dans une semelle.

— Bonjour, Piedagnel !

— Bien le bonjour, monsieur Bergeret ! Qu’est-ce qu’il faut pour votre service, monsieur Bergeret ?

Et le bonhomme, levant sur son client sa tête anguleuse, découvrit d’un sourire sa bouche édentée. Sa face maigre, où se creusait le trou noir des yeux et que terminait un menton saillant, avait le style dur et pauvre, le ton jaune, l’air malheureux,