Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/150

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Ce disant, elle prit dans le tiroir du buffet une cuiller d’étain à longue queue, qu’elle tendit à M. Guitrel. Et tandis que le prêtre versait la flamme sur le sucre grésillant, qui répandait une odeur de caramel, la servante, accotée au buffet, regardait, les bras croisés, l’horloge à musique qui étalait sur le mur, dans un cadran doré, son paysage suisse, avec une locomotive sortant d’un tunnel, un ballon dans le ciel et son cadran d’émail fixé sur un petit clocher d’église. La vigilante fille cependant observait son maître dont le bras trop court se fatiguait à manier la cuiller échauffée. Et elle l’excitait :

— Hardi ! monsieur l’abbé ! ne laissez pas éteindre.

— Ce mets, dit M. l’archiprêtre, exhale véritablement un parfum agréable. La dernière fois que j’en fis préparer un semblable chez moi, le plat se fendit par l’effet de la chaleur, et le rhum s’échappa sur la nappe.