Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/162

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ment sa conduite à ses maximes. Il ne fut pas violent sans doute. Mais il n’eut point d’indulgence. Il ne se montra nullement le disciple de ces conteurs milésiens, latins, florentins, gaulois dont il approuvait la philosophie souriante et proportionnée à la ridicule humanité. Il ne fit pas de reproches à madame Bergeret. Il ne lui dit pas un mot, il ne lui donna pas un regard. À table, assis devant elle, il avait le génie de ne pas la voir. Et s’il se rencontrait un moment par hasard avec elle dans une des pièces de l’appartement, il donnait à cette pauvre femme l’impression qu’elle était invisible.

Il l’ignora, il la tint pour étrangère et non avenue. Il la supprima de sa conscience externe et de sa conscience interne. Il l’anéantit. Dans la maison, parmi les soins innombrables de la vie commune, il ne la vit point, ne l’entendit point, ne perçut rien d’elle. Madame Bergeret était une créature injurieuse et grossière. Mais elle était une créature