Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/244

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M. Bergeret s’interrompit et haussa les épaules. Puis il reprit avec une douce tristesse :

— C’est l’effet de l’âge, et la marque d’une certaine sagesse. L’enfance a des étonnements ; la jeunesse, des colères. Le progrès des années nous a enfin apporté cette paisible indifférence que je devais mieux juger. Notre état moral nous assure la paix au dedans et la paix au dehors.

— Le croyez-vous ? demanda M. l’abbé Lantaigne. Et ne pressentez-vous pas des catastrophes prochaines ?

— La vie est, par elle-même, une catastrophe, répondit M. Bergeret. C’est une catastrophe incessante, puisqu’elle ne peut se manifester que dans un milieu instable et que la condition essentielle de son existence est l’instabilité des forces qui la produisent. La vie d’une nation, comme celle d’un individu, est une ruine perpétuelle, une suite d’écroulements, une inter-