Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/288

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réprouvait la conduite odieuse de M. Bergeret. Ainsi madame Bergeret soutenait et contentait chaque jour, par la ville, son âme jalouse de considération sociale et de bonne renommée. Mais quand, le soir, elle remontait l’escalier de sa maison, son cœur se serrait. Elle soulevait péniblement ses jambes amollies. Elle oubliait son orgueil, ses vengeances, les injures, les calomnies frivoles qu’elle avait semées par la ville. Il lui venait un sincère désir de rentrer en grâce auprès de M. Bergeret, afin de n’être plus seule. Cette idée, à laquelle ne se mêlait nulle perfidie, coulait naturellement de cette âme facile. Vains désirs ! Inutile pensée ! M. Bergeret continuait d’ignorer madame Bergeret.

Ce soir-là, madame Bergeret dit dans la cuisine :

— Euphémie, allez demander à monsieur comment il veut qu’on fasse les œufs.

C’était une pensée nouvelle en son esprit de soumettre le menu au maître de la