Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/299

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les jours superbes et prospères, l’accablait d’injures et d’humiliations et la privait de viande. Ce n’est pas qu’elle ignorât la faute de sa maîtresse et qu’elle crût, comme madame Dellion et les dames de la bourgeoisie, que madame Bergeret était innocente. Avec la concierge, la porteuse de pain et la bonne de M. Raynaud, elle connaissait par le menu les amours secrètes de madame Bergeret et de M. Roux. Elle les avait découvertes avant M. Bergeret. Ce n’est pas non plus qu’elle les approuvât. Elle les blâmait sévèrement, au contraire. Qu’une fille, maîtresse de sa personne, eût un amant, elle n’y trouvait pas grand’chose à redire, sachant la manière dont cela se fait. Il s’en était fallu de peu qu’elle en vînt là, certaine nuit, après la fête, au bord d’un fossé où elle était serrée de près par un gars qui voulait rire. Elle savait qu’un accident est vite arrivé. Mais une pareille conduite la révoltait chez une femme mariée, d’âge respec-