Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/62

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Et, gagné par l’aménité de l’air et du jour, M. Bergeret s’assit au bord du chemin, sur une des pierres qui, tirées jadis de la montagne, se couvraient lentement d’une mousse noire. Il voyait à travers les membrures fines des arbres le ciel lilas taché de fumées et goûtait une paisible tristesse à mener ainsi ses songeries dans la solitude.

Antoine et Cléopâtre, pensait-il, n’avaient qu’un intérêt, en attaquant les liburnes d’Agrippa qui les bloquaient, celui de s’ouvrir un passage. C’est précisément à quoi réussit Cléopâtre, qui débloqua ses soixante vaisseaux. Et M. Bergeret, en son chemin creux, se donnait la gloire innocente de décider du sort du monde, dans les eaux illustres d’Acarnanie. Mais en regardant à trois pas devant lui, il vit un vieillard assis, à l’autre bord du sentier, sur un tas de feuilles mortes. C’était une figure sauvage qui se distinguait à peine des choses environnantes. Son visage, sa barbe et ses