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LES DIEUX ONT SOIF

dans son âme, au nom sacré de l’humanité, toute faiblesse humaine.

Gamelin, la main levée, prit à témoin de son serment les mânes augustes de Marat, martyr de la liberté, dont le buste venait d’être posé contre un pilier de la ci-devant église, en face du buste de Le Peltier.

Quelques applaudissements retentirent, mêlés à des murmures. L’assemblée était agitée. À l’entrée de la nef, un groupe de sectionnaires armés de piques vociférait.

— Il est anti-républicain, dit le président, de porter des armes dans une réunion d’hommes libres.

Et il ordonna de déposer aussitôt les fusils et les piques dans la ci-devant sacristie.

Un bossu, l’œil vif et les lèvres retroussées, le citoyen Beauvisage, du comité de vigilance, vint occuper la chaire devenue la tribune et surmontée d’un bonnet rouge.

— Les généraux nous trahissent, dit-il, et livrent nos armées à l’ennemi. Les Impériaux poussent des partis de cavalerie autour de Péronne et de Saint-Quentin. Toulon a été livré aux Anglais, qui y débarquent quatorze mille hommes. Les ennemis de la République conspirent au sein même de la Convention. Dans la capitale, d’innombrables complots sont