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LES DIEUX ONT SOIF

déesses de l’Opéra et de la Comédie-Française, que nous autres, pauvres petites actrices nationales ?

— Ne le croyez pas, mademoiselle, répondit Brotteaux, et sachez que s’il s’en fût rencontré en ce temps une semblable à vous, elle se serait promenée, seule, en souveraine et sans rivale, pour peu qu’elle l’eût souhaité, dans le parc dont vous voulez bien vous faire une idée si flatteuse…

L’hôtel de la Cloche était rustique. Une branche de houx pendait sur la porte charretière, qui donnait accès à une cour toujours humide où picoraient les poules. Au fond de la cour s’élevait l’habitation, composée d’un rez-de-chaussée et d’un étage, coiffée d’une haute toiture de tuiles moussues et dont les murs disparaissaient sous de vieux rosiers tout fleuris de roses. À droite, des quenouilles montraient leurs pointes au-dessus du mur bas du jardin. À gauche était l’écurie, avec un râtelier extérieur et une grange en colombage. Une échelle s’appuyait au mur. De ce côté encore, sous un hangar encombré d’instruments agricoles et de souches, du haut d’un vieux cabriolet, un coq blanc surveillait ses poules. La cour était fermée, de ce sens, par des étables devant lesquelles s’élevait, comme un tertre glorieux, un tas de fumier