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XXVI

Tandis que le soleil de thermidor se couchait dans une pourpre sanglante, Évariste errait, sombre et soucieux, par les jardins Marbeuf, devenus propriété nationale et fréquentés des Parisiens oisifs. On y prenait de la limonade et des glaces ; il y avait des chevaux de bois et des tirs pour les jeunes patriotes. Sous un arbre, un petit Savoyard en guenilles, coiffé d’un bonnet noir, faisait danser une marmotte au son aigre de sa vielle. Un homme, jeune encore, svelte, en habit bleu, les cheveux poudrés, accompagné d’un grand chien, s’arrêta pour écouter cette musique agreste. Évariste reconnut Robespierre. Il le retrouvait pâli, amaigri, le visage durci et traversé de plis douloureux. Et il songea :