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LES DIEUX ONT SOIF

— À propos de Gamelin : hier, en passant sur le boulevard du Temple, j’ai vu chez un brocanteur, qui a son échoppe vis-à-vis la maison de Beaumarchais, toutes les toiles de ce malheureux. Il y avait là son Oreste et Électre. La tête de l’Oreste, qui ressemble à Gamelin, est vraiment belle, je vous assure… la tête et le bras sont superbes… Le brocanteur m’a dit qu’il n’était pas embarrassé de vendre ces toiles à des artistes qui peindront dessus… Ce pauvre Gamelin ! il aurait eu peut-être un talent de premier ordre, s’il n’avait pas fait de politique.

— Il avait l’âme d’un criminel ! répliqua le citoyen Blaise. Je l’ai démasqué, à cette place même, alors que ses instincts sanguinaires étaient encore contenus. Il ne me l’a jamais pardonné… Ah ! c’était une belle canaille.

— Le pauvre garçon ! Il était sincère. Ce sont les fanatiques qui l’ont perdu.

— Vous ne le défendez pas, je pense, Desmahis !… Il n’est pas défendable.

— Non, citoyen Blaise, il n’est pas défendable.

Et le citoyen Blaise, tapant sur l’épaule du beau Desmahis :

— Les temps sont changés. On peut vous appeler « Barbaroux », maintenant que la Convention rappelle les proscrits… J’y songe : Des-