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LES DIEUX ONT SOIF

cabaret de Sèvres ou de Meudon avec une demoiselle de modes. Inconsolable de la mort du jeune ci-devant dont elle portait le nom, cette mâle Julie ne trouvait de réconfort à sa tristesse que dans sa fureur, et, quand elle rencontrait des jacobins, elle ameutait contre eux les passants en poussant des cris de mort. Il lui restait peu de temps à donner à sa mère qui, seule dans sa chambre, disait toute la journée son chapelet, trop accablée de la fin tragique de son fils pour en sentir de la douleur. Rose était devenue la compagne assidue d’Élodie, qui décidément s’accordait avec ses belles-mères.

— Où est Élodie ? demanda la citoyenne Chassagne.

Jean Blaise fit signe qu’il ne le savait pas. Il ne le savait jamais : il en faisait une ligne de conduite.

Julie venait la prendre pour aller voir, en sa compagnie, la Thévenin à Monceaux, où la comédienne habitait une petite maison avec un jardin anglais.

À la Conciergerie, la Thévenin avait connu un gros fournisseur des armées, le citoyen Montfort. Sortie la première, à la sollicitation de Jean Blaise, elle obtint l’élargissement du citoyen Montfort, qui, sitôt libre, fournit des vivres aux troupes et spécula sur les terrains