Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, I.djvu/106

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stalten (1872), et dans sa constante préoccupation de définir « ce qui est allemand « ( Was ist deutsch ? ), on devine l’ambition d’égaler la plus grande pensée éducatrice qui eût travaillé, au xixe siècle, à assurer la suprématie spirituelle de l’Allemagne. La ressemblance est frappante entre eux dans leur lamentation sur le temps présent, qui meurt de sa misère de cœur, et, dans la résolution d’être véridiques à tout prix, avec douleur, mais avec le viril courage de voir et de dire les faits sans ambages et peut-être sans espérance. L’analogie s’accuse quand on songe qu’à cette détresse du temps présent, Nietzsche, comme Fichte, n’apporte que le soulagement d’une vérité métaphysique et le projet d’une éducation destinée à la propager. La fin lointaine enfin : « faire de tous les Allemands, par l’éducation nouvelle, une collectivité mue et animée dans tous ses membres par un même souci », après abolition de toutes les classes sociales ; le dessein de régénérer le corps national dans son tout et dans ses moindres cellules : que faut-il de plus pour justifier la réflexion faite un jour par Lisbeth Nietzsche : « Ce que tu fais, n’est-ce pas une sorte de Discours à la Nation allemande ? »

I. — Chez Nietzsche, l’enseignement de Fichte à travers Schopenhauer, qui l’a supplanté plus tard, persistera à l’état latent. La doctrine de Nietzsche en a gardé un caractère de mysticisme phénoméniste qui l’a différenciée toujours du commun positivisme. Il y a un trait surtout par où elle retient la marque indélébile de Fichte : elle affirme que les individus n’ont pas seulement leur racine dans l’absolu. Ils sont posés en lui comme éternellement distincts les uns des autres. Il sera possible à Schopenhauer d’enseigner l’anéantissement des vouloirs dans le Nirwana. L’ambition de « l’éducateur » vrai sera tou-