Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, I.djvu/161

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La prédilection de Nietzsche pour les moralistes français est chez lui une des preuves de son goût personnel et pur. Mais il a été entouré d’hommes et de femmes d’esprit qui partageaient ce goût. Comment n’aurait-il pas discuté de ce passionnant sujet avec Mme Cosima Wagner, femme de culture toute française, qui le surprit un jour de Noël, en 1870, par le présent d’une belle édition de Montaigne[1] ? Son ami le meilleur, Franz Overbeck, l’historien de l’Église, né de mère française et élevé à Paris, durant son adolescence choisissait volontiers pour lecture d’agrément des livres français. Il aidait Nietzsche dans ses lectures françaises. Plus d’une fois, au temps de leur célibat, dans leurs entretiens familiers, Overbeck a dû lui traduire à haute voix des passages, comme ce fut leur coutume ; après le mariage d’Overbeck avec Mlle Ida Rothpletz, en 1876. Cette femme distinguée nous a laissé quelques souvenirs sur ces soirées de lecture où Overbeck à livre ouvert traduisait des articles de Sainte-Beuve sur les écrivains français du xviiie siècle[2] ; et aussitôt Nietzsche engageait la discussion et préférait les moralistes du xviie. Mme Overbeck a fixé par écrit, avec délicatesse, la traduction de plusieurs de

  1. Sur l’ancienneté de ces lectures françaises de Nietzsche qui sont antérieures à la période bâloise, v. C. A. Bernoulli, Franz Overbeck und Friedrich Nietzsche, t. I, 1908, p. 152.
  2. Ces souvenirs ont été publiés par G. A. Bernoulli, loc. cit., I, 236.