Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, I.djvu/269

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Lœuvre des moralistes français avait consisté en une analyse subtile des mobiles de l’homme. Bien qu’ils eussent songé presque tous à la moralité individuelle, ils la concevaient comme déterminée ou doucement corrompue par des préjugés de sociabilité. Quand venait à éclore un acte d’héroïsme vrai ou de charité désintéressée, ils l’admiraient comme une fleur rare et mystérieuse.

Chamfort élargissait la recherche, jusqu’à y comprendre la moralité sociale qui englobe ou altère la moralité des individus. Mais Stendhal le premier, par l’observation comparée des mœurs de divers peuples, avait cru atteindre à des faits généraux. Préoccupé moins encore de décrire la présente petitesse des hommes que de retrouver les sources de la grandeur humaine et les moyens de la faire revivre, il trace dans ses écrits une Histoire de l’énergie, mère des arts, des fortes pensées, et de toutes les grandes nouveautés dans l’ordre de l’action.

L’enquête de Stendhal restait à l’état d’aperçus disjoints. Elle portait sur la France, l’Italie, l’Angleterre et l’Allemagne. Pour l’Italie seule elle remontait au passé. L’archéologie de Rome, les chroniques et l’art de la Renaissance, la musique italienne, Stendhal en avait une expérience de connaisseur cultivé et intelligent. Burckhardt, s’inspirant de lui, apporte à cette exploration une méthode. Il étend l’enquête stendhalienne à tout le passé grec, à toute l’histoire byzantine, et, partout, jusque dans la Renaissance italienne, retrouve les résultats de Stendhal. Mais ces résultats, il les recueille dans une histoire de la civilisation, qui à la fois les coordonne et