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XIV


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Ah ! reste dans mes bras ! Je ne vois pas tes yeux,
Mais ils trempent de pleurs le baiser qu’ils reçoivent,
Intarissables pleurs, pleurs que mes lèvres boivent,
Qui tombent sur mon âme en ruisseau douloureux ;

Je ne vois pas les yeux noyés qui les conçoivent,
Mais quel regard vaudrait l’adieu mystérieux,
Tiède encor de ton sein, que tu me dis par eux,
Ces yeux qu’aiment les miens pour l’amour qu’ils leur doivent ?

Ce sont eux, si pensifs déjà, qui m’ont jadis,
Sous des cieux par les vents printaniers agrandis,
Révélé, malgré toi, ta première tendresse ;

Et ce sont eux encore, en ce soir de martyre,
Qui m’apportent, du fond de ton cœur, ta détresse
Que ta bouche serait impuissante à me dire.