Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/103

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Accumula sur lui, et toujours accumule,
Depuis ce jour bénit où la foule crédule
Le saluait, vieillard, d’hymnes reconnaissants,
Et qu’y versant le vin et qu’y brûlant l’encens
Un pontife à la bouche en promesses féconde,
Y venait consacrer le long bonheur du monde !


Le Vieillard.

Ah ! s’il en est ainsi ! Si, quand loin des forfaits
Elle semble échouée aux grèves de la Paix,
Un ressac de folie, un flot de sang renfloue
La galère tragique et noire dont la proue
Porte à travers les temps Bellone aux yeux hagards :
Si toujours on doit voir les cadavres blafards,
Qui n’ont plus de rougeur qu’au bord de leurs blessures,
Se mêler au charnier commun des sépultures
Où l’on jette d’un coup le printemps d’un pays ;
Ah ! si persévérant sur des chemins maudits,
Le genre humain s’en va dans le meurtre et la haine ;
Si l’horizon de chaque époque est une arène
Où les peuples déments, s’exterminant entre eux,
Transmettent à leurs fils les fureurs des aïeux.