Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/104

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Et poussent, à travers des successions d’âges,
L’atroce hérédité de vengeance et d’outrages
Qui ravage l’Histoire, en marquant son parcours ;
Si la race des loups et celle des vautours,
En rôdant sur nos pas, en planant sur nos têtes,
Doivent continuer de rencontrer leurs fêtes,
Comme au temps du carnage antique et primitif ;
Si notre pauvre espoir, si triste et si chétif,
Patient grain de blé, si modestement tendre,
Si prêt à tout souffrir, si prêt à tant attendre,
Pourvu qu’il puisse encor s’appeler de l’espoir,
Las et découragé ne peut plus concevoir
Qu’un siècle très lointain soit peut-être l’aurore
D’un progrès qui voudrait des siècles pour éclore.
Si notre espoir s’efface et n’est plus qu’un mot vain,
Et si telle est la loi, si tel est le destin.
Maudit soit le soleil et tout ce qu’il éclaire !
Que le chaos premier, reprenant cette sphère,
La broie et la confonde ; et qu’en abolissant
À jamais ce qui vit, ce qui veut, ce qui sent,
Entraînant l’existence entière en son abîme,
Il purifie au moins la matière d’un crime
Qui fait de la douleur un ouvrage éternel !
Oui ! qu’il ne roule plus, sous l’œil morne du ciel,