Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/108

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De tes durs arguments a surpris et disjoint,
Car tu les enfonçais comme aux coups d’une masse.
Je ne le cache point ! Et dans ton verbe passe
Une âpre passion, qui peut-être autant qu’eux,
Bouleverse mon cœur de son souffle fougueux,
Qui parfois le soulève, encor qu’il le flagelle ;
Tout mon être inquiet est tremblant et chancelle,
Mon corps endolori lui-même est ébranlé,
Comme si quelque vent trop fort avait soufflé
Et l’avait secoué de l’émoi d’un orage.
Permets que le sommeil ou le repos dégage
Mes esprits de ce trouble où je les sens perdus,
Et que tous mes pensers, à présent confondus,
Reprennent, par degrés, leur ressort et leur place.
S’il t’agrée, ô guerrier, sur la proche terrasse,
Où le platane clair se mêle au sombre pin,
Demain, lorsque le jour sera vers son déclin
Sans décliner encor, nous pourrons nous rejoindre.
Et peut-être, pour l’heure immense où l’on voit poindre,
Dans l’azur sans lumière et plus prodigieux,
Les premiers astres d’or, çà et là, dans les cieux,
Comme des éclaireurs précédant une armée,
Aurai-je retrouvé, dans mon âme alarmée,
L’espoir craintif et cher qu’elle apportait ici.