Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/133

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La propre barbarie et l’effet ; car la guerre
Est une des façons dont l’homme doit mourir.
Pourquoi rien parut-il et tout doit-il périr ?
Que la peste, ou le fer, ou la vieillesse même
Nous emportent, l’unique et ténébreux problème
Est cette fin, vieillard. Mais tout le genre humain
Frappera, d’âge en âge, à la porte d’airain,
Sans pouvoir l’entrouvrir, sans avoir de réponse.
L’abomination que ton courroux dénonce
C’est l’existence même, et tous les attentats,
Des dévorations d’insecte à nos combats,
La fureur d’abolir dont la nature est ivre,
Tiennent dans ce seul mot épouvantable : vivre.


Mais si je reconnais ce qu’il nous faut subir,
Ne crois pas qu’il me soit refusé de sentir
Ce que tu sens toi-même, ô vieillard, ce qu’éprouve
Celui qui ne fut pas nourri par une louve.
Comme toi, plus que toi peut-être — car sais-tu
Nos méditations quand le clairon s’est tu ? —
Je porte en moi l’aiguë et la tenace angoisse
De savoir qu’il n’est rien qui respire ou qui croisse
Qui n’ait son destructeur dont il est épié,
Que tout est condamné, que rien n’est gracié.