Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/147

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Le Vieillard.

Avec une âme émue, ô guerrier, je t’écoute !
Mais je t’écoute encore avec un cœur qui doute
Si ce miel de bonté dont se parfume l’air
Découle, en vérité, de la bouche de fer
Qui défendait hier la guerre immense en crimes !
Que les humilités douces et magnanimes,
Par qui la charité se baisse vers les maux,
Habitent sous ton front orgueilleux des rameaux.
Signe altier et sanglant salaire des batailles ;
Que ton bras, ouvrier fréquent des représailles,
Soit capable du geste attendri qui secourt,
Et qu’ayant tant donné de pâture au vautour,
Il sache ramasser l’oiselet sous la branche,
— Pardonne-moi, guerrier, ma parole trop franche —
Cela me rend heureux en me rendant surpris !
Et j’estime, ô mon fils, cette joie à haut prix !
Je croyais que la guerre avait mis son écorce
De valeur, mais aussi d’impérieuse force,
Plus rude et plus épaisse autour de ton esprit ;
Et voilà que le mien, qu’a dès longtemps meurtri
L’image de la guerre et du mal qu’elle entraîne,
Trouve en lui plus encor qu’un compagnon de haine,