Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/148

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Un frère de pitié, riche en trésors secrets,
Dont la bonté précise a besoin de succès,
Et veut vaincre de près les malheurs qu’il rencontre.
Car je sais discerner, ô fils, ce qui se montre
De toi, dans ces conseils par qui ta voix s émeut.
Mon erreur était grande et je t’en fais l’aveu !
Pour avoir découvert à ma vue obscurcie,
Sous l’armure d’airain de ton ataraxie,
Ta blessure invisible, et ces gouttes de sang
Qui coule de ton sein pitoyable, et descend
Jusqu’à mettre en tes mains des roses de tendresse,
Ô guerrier, tu m’as fait sentir que ma détresse
Que ma détresse humaine est vaste, et qu’elle vit
Même sous les fureurs que la guerre assouvit.
Ce commun sentiment qui nous réconcilie
Me vient comme un bienfait ; et la mélancolie
Que ton âpre discours avait fait naître en moi
Est un peu soulagée ; encor que son émoi
Doive hanter longtemps et troubler ma pensée.
Mon espérance pâle, à ta voix éclipsée,
N’oubliera pas, guerrier, qu’en un jour triomphal,
Sous ton front couronné du laurier martial,
A paru du courroux pour l’œuvre de la guerre,
Et que même au vainqueur la victoire est amère !