Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/149

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Le Guerrier.

Tout est donc bien, vieillard ! et tu peux ajouter
À ces propos sur quoi tu voudras méditer,
Que ce cœur de soldat portait sa cicatrice !
Car son jour de triomphe est fait du sacrifice
De maints amis aimés, d’hommes dont la saison
A péri dans l’épi sans donner sa moisson ;
Et leur main qui serrait la mienne est refroidie,
Et leur âme où brûlaient des feux est engourdie
De l’engourdissement d’un hiver sans printemps !
Parmi ces lauriers verts et les cris éclatants
Des clairons qui sonnaient quand je te vis paraitre,
J’avais, sous ma cuirasse, un chagrin qui pénètre
Jusques au plus vital repli du souvenir.
J’ai vu, sans le sauver, comme un héros périr,
Au poste que j’avais commis à sa défense,
Mon plus cher compagnon, l’ami de mon enfance,
Et j’ai perdu, vieillard, la moitié de mon cœur.


Le Vieillard.

Laisse, ô fils, mon respect saluer ta douleur !