Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/151

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Le désir le plus grand, la plus vaste formule,
Le rêve le plus haut ne sont que la cupule
D’un gland qui traîne au vent sur le bord de la mer.
Dans l’Incompréhensible autour de nous ouvert,
Chacun, poussant le bras, estime qu’il ramène
L’immense et monstrueux tourbillon, qui l’entraîne
Et lui et les milliers de ceux qui, comme lui,
Croient tenir dans leurs doigts le rythme qui conduit
Vers un but ignoré les races et les mondes.
Nos faibles mains, vieillard, ne manient que des sondes
Trop courtes pour le fond que tu veux mesurer.
L’inscrutable nature a besoin, pour durer,
De plans entrecroisés, et de ressorts sans nombre,
Dont les jeux opposés, le bris et le décombre
Servent pour en former de nouveaux, et ceux-ci,
S’entreheurtant entre eux et se brisant aussi,
D’autres, d’autres encor. La plus forte pensée,
Qui s’attache à les suivre, interdite et lassée
S’arrête et ne retient, du plus sublime effort,
D’autre orgueil, d’autre gain que d’être allée au bord
De gouffres infinis, pleins d’infini vertige.
Ainsi nous ignorons quelle raison exige
Les travaux différents des êtres différents,
Quelle veut leur accord, quelle leurs grondements,