Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Même, tant qu’il maintient l’esquif sans reculer,
De ses muscles tendus il s’obstine et s’efforce ;
Mais il sent, par degrés, le flot rapide enfler,
Et, par degrés, décroître et s’épuiser sa force ;


Et quand il voit enfin les rives remonter,
Où l’ombre gagne aussi sur les dernières flammes,
Las et baissant la tête, il se laisse emporter,
En regardant ses mains qui tremblent sur les rames.


Ami, ne vois-tu pas ? Je suis ce nautonier !
J’ai ramé jusqu’au soir ; je suis las ; l’ombre tombe ;
Et ce reste de jour ne peut mieux s’employer
Qu’à laisser dériver ma barque vers la tombe,
Sous les astres qu’aux cieux la nuit vient déployer.


l’Ami.

Quel doute de toi-même a pénétré ton cœur
Et quelle lassitude a touché ton courage ?
Sais-tu que ta constance est le dernier honneur
Qui garde ce pays de son dernier outrage ?