Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 105 -

De même, il faut se rendre compte de la dureté de la morale puritaine, repenser aux jugements inflexibles dont elle frappait toutes les actions, à l'implacable condamnation dont elle accablait les moindres fautes, pour admirer, en la replaçant dans l'austérité environnante, son Adresse aux très Vertueux. C'était une nouvelle chose, dans une petite paroisse de campagne, à cette époque, que ce plaidoyer plein de compassion atten- drie pour la faiblesse humaine et , en même temps , que cette façon, la seule juste, de mesurer les fautes aux tentations de la nature ou des cir- constances. Nulle part on n'a mieux exprimé cette indulgence, que la sympathie pour l'homme a rendue maintenant commune, mais qui n'a jamais trouvé une forme plus humaine, plus portative, pour ainsi dire, plus propre à devenir la devise du mélange de défiance et de bonté, avec lequel seulement nous devons nous permettre de juger les autres. S'adressant aux rigides, il leur disait:

Oh 1 vous qui êtes si bons vous-mêmes,

Si pieux et si saints

Que vous n'avez rien à faire qu'à noter et compter

Les fautes et les folies de votre voisin !

Vous dont la vie est comme un moulin bien allant,

Fourni d'une eau abondante ;

La trémie pleine tourne toujours

Et toujours le clapet fait son bruit.

Ecoutez-moi, vous, vénérable cohorte.

Je suis l'avocat de ces pauvres mortels

Qui fréquemment passent la porte de la calme Sagesse,

Pour aller au portail de l'étourdie Folie ;

Oui, au nom de ces écervelés et de ces insouciants.

Je voudrais ici proposer une délense.

Pour leurs malheureux tours, leurs noires fautes.

Leurs défaillances et leurs infortunes.

Vous comparez votre état au leur.

Et vous frissonnez de les rapprocher ;

Mais jetez, un moment, un regard juste.

Qu'est-ce qui fait la grande différence ?

Défalquez ce que le manque d'occasions a donné

A cette pureté dans laquelle vous vous enorgueillissez.

Et, (ce qui souvent est plus que tout le reste)

Votre meilleur art de dissimuler.

Pensez, quand votre pouls maté

Donne de temps en temps une secousse,

Quelles fureurs doivent convulser les veines

De celui dont le pouls sans répit galope !

Avec bon vent et la marée en poupe,

Vous filez tout droit au large ;

Mais faire voile contre l'un et l'autre,

Cela fait étrangement louvoyer.