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s'établir n'importe oîi, pourvu que ce soit ailleurs que dans son ancien voisinage. Mais M"" Miller n'est guère bon juge de la terre et, dit-il avec une sorte d'appréhension prophétique , « il peut m'offrir un marché avantageux dans son opinion, qui sera ma ruine ^ ». Il se propose, en revenant à Mauchline, de passer par Dumfries, vers le mois de mai, pour y rencontrer M' ^Miller et examiner la ferme. De temps en temps, il parle dans ses lettres de retourner à son humble condition, aux ombres de la vie ^ et à sa vieille connaissance, la charrue.

Cependant, au commencement de février, on voit apparaître une autre préoccupation. Le comte de Buchan, frère de Henry Erskine, lui avait conseillé de parcourir l'Ecosse pour y recueillir des sujets de poésies nationales. Il semble que cet avis ait éveillé en lui un désir déjà formé :

« Votre Seigneurie touche la corde favorite de mon cœur, lorsque vous me conseillez d'enflammer ma muse à l'histoire écossaise et aux scènes écossaises. Il n'y a rien que je souhaite plus que de faire un tranquille pèlerinage à travers ma patrie, de m'asseoir et de rêver dans ces champs jadis durement disputés, où la Calédonie triomphante vit son lion sanglant porté, à travers des rangs brisés, jusqu'à la victoire et à la gloire, d'y trouver l'inspiration et de répandre dans des chants ces noms immortels 3.

Mais il ajoute que , au milieu de ces délicieuses et enthousiastes rêveries, un fantôme au visage long et sec, à l'air très moral, s'est mis en travers de son imagination et, avec l'air glacial d'un prédicateur, lui rappelle combien il a déjà dédaigné de salutaires avis. Il l'avertit de ne pas suivre ces météores et ces feux-follets de la fantaisie et du caprice qui l'amèneront une fois de plus au bord de la ruine.

Toutefois, le rêve est mal chassé. Deux mois plus tard, à la fin de mars, il reparait plus attrayant. Il faut plus d'efforts et des motifs moins personnels pour le repousser.

« Vous vous intéressez avec bienveillance à mes vues et à mes projets d'avenir. De ce côté, il m'est impossible de vous donner aucune lumière :

Tout est sombre, comme était le chaos avant que le jeune soleil Fût ramassé en un globe et eût essayé ses rayons, A travers l'obscurité profonde.

L'appellation de poète écossais est de beaucoup mon plus haut orgueil. Continuer à la mériter est ma plus haute ambition. Les scènes écossaises et l'histoire écossaise sont des thèmes que je désirerais célébrer. Je n'ai pas de désir plus cher que de pouvoir, débarrassé de la routine des affaires, pour lesquelles le ciel sait que

^ To John Ballanline, Hth Jan. 1787.

2 To Ihe Earl of Glencairn, Feb. HST.

3 To the Earl of Buchan, 3rd Feb. 1787.