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si longtemps contenue, monta comme un vin furieux. Il semble que la volonté de Clarinda en fut troublée et vaincue. Les cœurs longtemps sevrés de la tendresse qu'ils portent en eux et privés d'amour en propor- tion de l'amour qu'ils nourrissent, sont saisis de vertige lorsque, l'obstacle disparu, cette détresse s'assouvit de cette plénitude. Ils se précipitent vers leur rêve, avec un oubli et par suite avec un don entier d'eux-mêmes, et les dernières consommations de l'amour naissent souvent des premiers transports de ces surprises. Les deux amants restèrent ensemble une semaine, pendant laquelle ils se virent en secret.

mai, ton matin jamais ne fut si doux Que la sombre nuit de décembre, Car étincelant était le ^in rosé Et secrète était la chambre, Et chère était celle que je n'ose nommer Mais dont toujours je me souviendrai i.

Ce fut une semaine de bonheur âpre et poignant, comme celui qu'on goûte à la veille des séparations, où deux cœurs sentent combien ils tiennent l'un à l'autre, par leur déchirement même. Ils s'efforcent de ramasser toutes les dernières joies mais prennent du même coup le commen- cement de la souffrance, et ils s'enivrent de délices navrées. La séparation se fit dans les larmes. Celles de Clarinda étaient sincères, quoique peut-être elle en eût versé de plus amères encore aux heures de son délaissement. Celles de Burns l'étaient aussi. Sa faculté d'éprouver des sentiments pas- sagers, avec autant de violence que s'ils étaient durables, était surexcitée. Dans le moment, il souffrit peut-être autant que la pauvre femme. De cet arrachement sortit une admirable pièce, simple et émouvante comme ces paroles d'adieu, ordinaires par le sens mais palpitantes de soupirs et de sanglots.

Un tendre baiser et nous nous séparons ;• Un adieu et puis c'est pour toujours 1 Je boirai à toi, avec les larmes de mon coeur, Mon gage sera le combat de mes soupirs et de mes sanglots ! Qui peut dire que la Fortune l'afflige Tant qu'elle lui laisse leloile de l'espérance ? Pour moi, aucun scintillement joyeux ne m'éclaire ; Le sombre désespoir m'enveloppe tout autour.

Je ne blâmerai jamais ma faiblesse et mon amour,

Rien ne pouvait résister à ma Nancy ; Rien que la voir c'était l'aimer,

N'aimer qu'elle et l'aimer à toujours. Si nous n'avions jamais aimé si passionnément, Si nous n'avions jamais aimé si aveuglément,

1 May, tliy morn was ne'er sae sweet.