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avec familiarité sur l’épaule de l’un d’eux. C’était un homme dans sa quarantaine, de taille moyenne, marqué de petite vérole, aux membres frêles et au teint livide ; ses yeux étaient noirs et pleins de vivacité, son front étroit et ombragé d’une épaisse chevelure, sa voix rauque et saccadée. De larges favoris qui lui couvraient le visage jusqu’à l’os de la joue, des lèvres minces, une bouche excessivement petite, les traits les plus saillans de la figure coupés à angles droits, tout cela lui donnait une expression de physionomie qui tenait plus de la bête fauve que de l’homme. —

— « Mathieu ! » (car c’était lui,) « Mathieu, » lui dit Cambray, « je voudrais te dire un mot à l’écart. »

— « Quoi ! quoi ? » repartit celui-ci, en fesant une gambade, et se frappant sur les hanches, — « Quoi ! Un nid de merle à dénicher ! Parle, parle ; je suis l’homme, tu sais…

— « Eh ! bien ! camarade, tu te rappelles que nous avons parlé souvent de madame Montgomery, et cependant nous n’avançons à rien. Il y a là de l’argenterie, comme tu sais. Nous aiderais-tu à faire ce coup-là ? Nous perdons presque l’habitude du travail depuis quelque temps ! — Mais, Mathieu, souviens-toi qu’il faut du zèle et de la discrétion ! Tiens, le secret et du courage, et la poule est à nous ! »

— « Du courage ! le Diable y serait, que j’y rentrerai. Le secret ! vingt ans dans le service m’ont appris à le garder. Dès ce soir, si tu veux : il n’y a pas de lune, le temps est sombre et couvert, et je tuerais ce soir, sans broncher. »

— « Que ce soit entendu ; » dit Cambray ; « donne moi ta main, à ce soir ! mais il nous faut du secours ? Nous ne serions pas assez de trois ; et ce grand nigaud, (montrant Waterworth,) n’est qu’une poule mouillée. Tu connais sans doute de bons enfans, des coquins de bonne volonté ? —

— « Des coquins ? oui ; mais de bonne volonté ? c’est autre chose. Pourtant voici de bons crânes : Stewart est un vieux renard, que tu connais ; et puis Lemire est une fameuse pâte d’homme : il est jeune dans le métier, mais il a de l’âme pour un mangeur de lard, (un novice ;) il fera quelque chose. »

— « Mais vous ne pensez pas à G…n, » dit Waterworth, en s’approchant, « lui qui a servi chez la Dame : il pourrait donner de bons renseignemens. »