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désespérâmes pas d’échapper à la rigueur des lois, et de rentrer dans la société, pleins de l’espoir de nous dédommager en bonne monnaie de ce que nous avions perdu en réputation. »



CHAPITRE XIII.


La première nuit passée dans le cachot. — Les reproches. — Réflexions des détenus.


Jusqu’à présent nous avons eu devant les yeux le vice dans son triomphe et dans ses excès, marchant tête levée et défiant la justice. Ici notre sujet change un peu de couleur, et semble prêter davantage aux réflexions et aux moralités : nous allons maintenant suivre nos Héros dans leur défaite, rongeant leurs chaînes et maudissant leur sort. Nous avons parcouru les détails révoltans de crimes nombreux, nous allons en voir les suites et les conséquences ; nous avons compris la grandeur des offenses, nous allons juger de la proportion des châtimens et de leurs résultats. Plût au ciel que nous eussions à peindre des remords et des repentirs ! Le soir de leur arrestation Cambray et Waterworth furent mis à la chaîne dans le même cachot. Dès qu’ils se virent seuls, placés en face l’un de l’autre, fixés par une lourde chaîne à une épaisse muraille tapissée de moisissure et de toiles d’araignées, éclairés d’une lampe unique qui ne jetait autour d’eux qu’une lueur pâle et livide, se regardant mutuellement d’un œil inquiet et méfiant, leurs sentimens ne s’exhalèrent pas d’abord en transports ; mais leur figure se revêtit d’une expression de torpeur, et leur émotion se manifesta par un silence plus éloquent que les paroles et les emportemens ; silence interrompu quelquefois par les soupirs de l’un et les rugissemens de l’autre. Quelqu’un qui eût pu regarder dans ce cachot par l’unique soupirail qui l’éclaire le jour, eût cru voir, en appercevant leurs yeux flamboyer dans ces demi-ténèbres, deux bêtes féroces, acculée chacune dans leur coin, et n’osant remuer dans la crainte d’être assaillie par son adversaire.

— « Voici ! » dit Waterworth, interrompant enfin ce pénible silence et soulevant ses chaînes qui retentirent sourdement dans ce souterrain, « voici ce que je te dois, Cambray ! Vois où tu m’as conduit ! »

— « Tu ouvres enfin les yeux ? Te voilà contrit, je gage ! » repartit Cambray, accompagnant ces paroles d’un rire moqueur, et s’asseyant aussi commodément qu’il est possible de le faire dans un cachot. »

— « Ciel ! que va dire mon père, lorsqu’on va lui apprendre cette nouvelle ! Que va-t-il penser ? que va-t-il faire ? Ah ! si je ne t’avais