Page:Angers - Les révélations du crime ou Cambray et ses complices, 1837.djvu/53

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jamis connu ! Oui Cambray, tu m’as séduit, tu m’as trompé, tu es seul coupable ! »

— « Qu’oses-tu dire, misérable ? » s’écria Cambray, en s’élançant à la longueur de ses fers ; « qu’oses tu me reprocher ? tais-toi ou je t’étrangle de ma chaîne ! tais-toi, ou je t’accâble de malédictions ! tais-toi, ou j’appelle l’enfer à mon secours ! comment, si tu es plus lâche, n’es-tu pas aussi coupable que moi ? Veux-tu t’isoler de moi ? veux-tu te faire mon accusateur ? As-tu déjà la trahison sur les lèvres ? Souviens-toi que je ne serai pas toujours dans les fers ; choisis entre le secret ou la mort ! ! »

— « Oh ! Cambray, » repartit lentement Waterworth, « que tu es injuste envers moi ! tu sais bien que je suis prêt à partager ton sort, et qu’en présence même de la mort je ne fléchirai pas pour me sauver, s’il faut te perdre ! Tu le sais, et je le jure encore. Mais ne serait-il pas mieux pour moi de n’avoir pas besoin de ce dévouement ? Ah ! mon ami, je t’ai suivi dans la carrière du crime, et je mourrai avec toi s’il le faut ! »

— « Bah ! bah ! mourir ! ce serait bon pour des gauches ! Qu’avons-nous à craindre ? le sort semble nous avoir protégés jusqu’à ce jour dans ce que tu as la faiblesse d’appeler la carrière du crime, et que j’appelle moi le chemin de la fortune, de l’honneur, et de la considération. Il est vrai que notre étoile nous a manqué, et que nous sommes en partie déverts. C’est beaucoup de n’être plus à l’abri du soupçon, mais nous lutterons contre ce malheur par notre adresse ; nous pouvons encore nous tirer de ce mauvais pas. Le coup nous vient de Broughton ; c’est ta famille qui nous a trahis ! si tu m’en avais cru, tu les aurais expédiés quatre à quatre… Que tu étais peu propre au rôle que je voulais te faire remplir ! Écoute ! tant que j’ai pu marcher à l’ombre du secret, je ne t’ai jamais dévoilé mes plans. Le voile est déchiré à-présent, nous sommes seuls, ces murs sont discrets, je n’ai plus d’intérêt à te rien cacher, écoute et apprends à me connaître. Je me suis vu dans les embarras de la pauvreté, j’ai presque éprouvé les atteintes de la misère, j’ai senti surtout l’orgueil et les dédains du riche ; et je me suis dit : « le bonheur, la vertu et la distinction ne sont que le produit de l’or. » Je me suis dit cela, et depuis ce temps, au milieu de mes concitoyens dans la misère, et avec des connaissances ordinaires, je n’ai jamais été pauvre. Pourquoi ? c’est que le monde entier est mon trésor. Je vis sur la race humaine, ennemi juré de la société et des lois qui me destinent à mourir de faim ! Vivre d’abord, et jouir ensuite, n’importe aux dépens de qui ; ce sont mes lois à moi ! je n’en connais point d’autres, et je n’en veux point d’autres. Il est vrai que me voici entre quatre murailles, accusé de crimes qui peuvent me conduire à l’échafaud, et arrêté au plus beau jour de ma carrière. Tu pleures, tu trembles, toi, à cette pensée ; eh