Page:Annales de l’Académie de Mâcon, série 3 tome 63, 1987.djvu/208

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Pierre Larousse pour son Dictionnaire. Pour ma part je crois plutôt que notre romancière, en racontant cette fable à Quérard a voulu créer une image correspondant au personnage qu’elle jouait alors : la républicaine ardente et pure.

La vérité est sans doute tout autre. Elle avait, comme en confidence sans doute, confié à Mirecourt qui le rapporte dans ses écrits « que c’était un vieux prêtre qui l’avait aidée à s’enfoncer dans les chemins raboteux de la syntaxe et l’avait initiée aux mystères des verbes ».

Après de très longues recherches, je crois avoir trouvé ce vieux prêtre qu’elle a d’ailleurs décrit dans son roman « l’abbé Olivier ». Il s’agit sans doute de l’abbé Jean-Baptiste Blampoix dont Mgr Rameau signale une abondante correspondance adressée à Madame Robert, négociante en toilerie à Mâcon ; le brave prêtre se loue des études sérieuses de « studieux Félix Robert et de ses cousins ». Les cousins de Félix Robert, mais c’étaient Clémence et son frère.

Curieux homme que cet abbé Blampoix : vigneron à Juliénas, curé à La Chapelle-de-Guinchay, professeur de philosophie au collège de Mâcon. À la Révolution, il prête serment et il est élu évêque constitutionnel de l’Aube. Mais sous l’Empire, se repentant, il demande à être reçu par le pape lors de son passage à Mâcon pour se rendre au couronnement de Napoléon. Reçu par le Saint-Père, il se jette à ses pieds, obtient le pardon de l’Église et recouvre ses pouvoirs sacerdotaux. Dans son testament, retrouvé aux Archives, il proclame « son attachement au roi Louis XVIII et à l’auguste famille des Bourbons qui ont rétabli la paix et la tranquillité si nécessaire et si longtemps désirée ». Son élève ne pouvait être la fière républicaine de douze ans décrite pas notre journaliste locale.

Plus probant encore : vers vingt ans, Antoinette-Clémence s’essaye à la poésie et en conservera le goût toute sa vie. Et savez-vous le titre du premier poème de cette prétendue républicaine : « Cri de joie d’une Française sur la naissance de son Altesse Royale Monseigneur le Duc de Bordeaux » !

Tous ses poèmes, qu’elle écrit entre vingt et trente ans, signés alors Antoinette Robert, seront édités par la suite et comprendront plusieurs volumes. En voilà un… sujet assez curieux pour une toute jeune fille :


À cet âge où l’on porte un grand chapeau de paille,
Une robe à la vierge aux plis légers et frais,
Un simple ruban bleu qui se noue à la taille,
Une croix d’or au cou, vers douze ans, à peu près,
En voyage à Lyon, je visitais Loyasse,
Superbe cimetière, et qui, de sa hauteur,
Jette sur la cité, que le regard embrasse,
L’ombre des noirs cyprès dans toute sa grandeur.
Seule, je parcourais ce cloître de feuillage,
Ce séjour d’éternel et sain recueillement,