Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/394

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Maria sont enfin satisfaits mais elle sacrifie une brillante position pour obtenir sa revanche et s’attacher un instant un homme qui ne l’a jamais aimée.

D’autres motifs que l’orgueil et l’amertume d’avoir vu sa beauté dédaignée décident Lydia Bennet à s’enfuir avec le séduisant Wickham. Lydia n’a point de bon sens et son animalité vigoureuse est si inconsciente, si loin de toute perversité, qu’elle apparaît, telle la bruyante Hoyden de « La rechute ou la Vertu en danger », incapable de ruse ou de mensonge. Pour elle, il n’est d’autre mal que d’être contrainte à ce qui l’ennuie. Légèrement et délicatement tracé, ce portrait d’une jeune et saine créature dont l’instinct et les sens gouvernent seuls les actions, mérite d’être placé à côté de celui de l’héroïne de Vanbrugh. À cent ans de distance, c’est bien là le même type, un peu adouci, un peu affiné, non pas seulement parce qu’une femme l’étudie, mais parce que, de 1690 à 1797, les mœurs de la « gentry » sont devenues moins brutales. La grossièreté du langage et des façons s’est atténuée d’année en année sous le double effort des moralistes qui prêchent la vertu et des gens du monde qui exigent de leurs pareils la politesse des manières et la décence des propos. Miss Hoyden s’explique avec une franchise plus complète que Lydia et ne laisse rien à deviner de ses aspirations ni de ses intentions. Il lui pèse d’être enfermée à la campagne entre son père et sa vieille nourrice, et, surtout, il lui tarde d’être mariée : « C’est heureux qu’il m’arrive un mari, ou, pardieu, j’épouserais plutôt le boulanger ! » [1] Lydia Bennet pense de même, à cette différence près que son envie d’avoir un mari s’augmente à l’idée du triomphe qu’il y aurait pour elle, la plus jeune de la famille, à se marier avant ses aînées. « J’espérais bien, dit-elle à Elizabeth, que l’une de vous aurait trouvé un mari avant votre retour.

  1. The Relapse or Virtue in Danger, by John Vanbrugh. « It’s well I have a husband a coming, or i’cod, I’d marry the baker. » (Act IV, scene IV.)