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son désintéressement. Elle fait plus que dire « non » à un soupirant ridicule, elle néglige une occasion — peut-être la seule — de trouver un établissement convenable. Et ce n’est pas faute d’avoir envisagé la nécessité de consentir un jour à un mariage de raison qu’elle n’écoute pas favorablement la belle déclaration de Mr. Collins.

Seule, Emma Woodhouse envisage avec une réelle complaisance la perspective du célibat. Mais elle est précisément celle à qui le sort a départi la fortune et l’indépendance que ne possèdent ni Elizabeth Bennet, ni Anne Elliot, ni Fanny Price. Lorsqu’il lui faut choisir entre le mariage avec un mari tel que Mr. Collins et le risque de rester fille, Elizabeth n’hésite pas. Elle sait qu’il lui faut choisir entre deux alternatives déplaisantes et se décide en faveur de la moins odieuse. Quand Fanny Price repousse la demande du riche et brillant Henry Crawford, Sir Thomas Bertram ne laisse pas ignorer à sa nièce qu’elle commet là une sottise dont elle se repentira probablement toute sa vie : « Vous ne pensez qu’à vous-même et, parce que vous n’éprouvez pas envers Mr. Crawford ce qu’une imagination trop inexpérimentée et trop ardente croit nécessaire au bonheur, vous repoussez sa demande, sans même vouloir prendre un peu de temps pour réfléchir, pour penser à cette affaire à tête reposée et vous bien rendre compte de vos propres sentiments. Par un caprice qui n’a pas de nom, vous faites fi de l’occasion qui vous est offerte d’un établissement acceptable, que dis-je, plus qu’acceptable, honorable, magnifique. Cette occasion ne se représentera peut-être jamais… Sachez-le bien, Fanny, vous pouvez passer dix-huit ans encore dans le monde sans jamais être recherchée par un homme qui possède une fortune de moitié aussi grande que celle de Mr. Crawford ou la dixième partie de son mérite ». [1]

Emma Woodhouse, qui par sa situation est au-dessus de toutes les considérations d’argent, ailleurs d’un si grand poids, n’admet cependant le célibat que lorsqu’il est voulu et

  1. Le Château de Mansfield. Chap. XXXII.